RDC/TSHISEKEDI A WASHINGTON : CE QUE LES CONGOLAIS ATTENDENT

Pour les Congolais, le Président Tshisekedi fera certainement œuvre utile en négociation un nouveau partenariat avec les USA, mais ne devra surtout pas être allé à Washington comme à Canossa pour se faire dicter des orientations sans rapport avec les intérêts du Congo. Et parmi ces intérêts figure en première position le nouveau code minier dont la simple idée d’une éventuelle révision fait lever les boucliers au pays de Lumumba.

Le séjour, depuis ce 3 avril 2019, du Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, à Washington suscite une attention et un suivi bien particuliers des Congolais. Il s’agit, certes, d’un premier voyage du nouveau chef de l’Etat hors du continent africain, mais l’intérêt des Congolais est ailleurs que dans la simple géographie.

Sécurité à l’Est : le devoir des occidentaux

Les USA, on le sait, sont une puissance dont le poids géopolitique et stratégique n’est plus à démontrer. La situation sécuritaire qui prévaut à l’Est de la RDC depuis deux décennies fait constamment tourner les regards vers les grandes puissances, dont les USA, surtout au regard de la nouvelle dimension que prend cette insécurité avec la poussée avérée du djihadisme dans le graben congolais avec tous les risques de propagation dans la sous-région et la région centrale d’Afrique.

La première attente des Congolais sur ce volet paraît donc la plus lancinantes au regard de l’attentisme des puissances étrangères face à cette situation, pendant que ces mêmes puissances ne tarissent pas d’inquiétudes sur des situations similaires ailleurs où elles déploient tous leurs moyens pour y mettre fin. Pour certains observateurs, cet intérêt est d’autant plus légitime que les occidentaux, en ce compris les USA, portent une certaine responsabilité dans l’instabilité qui caractérise la région des grands lacs, instabilité dont la RDC est, à ce jour, la seule victime innocente des crises venues d’ailleurs et pour lesquelles il ne s’observe que très peu d’intérêt pour y mettre fin.

Economie : les investissements américains devront cohabiter avec ceux des asiatiques

Sur le volet économique, les Congolais sont très intéressés par la position finale que pourra rapporter Félix Tshisekedi quant à l’engagement des Etats-Unis pour des investissements en RDC. A ce jour, en effet, ces investissements n’ont qu’une proportion résiduelle depuis le désengagement de Tenke Fungurume qui exploitait les ressources minières au Katanga et qui a vendu ses capitaux à une firme chinoise. L’engagement américain en termes d’investissements sera, sans conteste, subordonnée à des garanties traditionnelles pour les Occidentaux en termes de gouvernance (lutte contre la corruption, climat des affaires, droits de l’homme, etc.), mais la réalité économique internationale montre aujourd’hui plus de pragmatisme des investisseurs asiatiques (chinois, indiens, pakistanais) et sud-américains (brésiliens) qui mettent des capitaux beaucoup plus importants qu’à l’époque du monopole occidental sur les marchés africains.

Il est donc clair qu’en RDC, les investisseurs américains ne viendront pas comme en terre en friche ou conquise. Ils vont y trouver une concurrence et devront s’adapter aux attentes, surtout en termes de création d’emplois. Les observateurs estiment, à ce sujet, que les occidentaux ne devront plus s’attendre à un traitement de faveur comme des privilégiés, et espèrent que le Président Tshisekedi se montrera ferme à ce sujet.

 

Pas question de toucher au code minier

Pour eux, en effet, Félix Tshisekedi ne doit pas être allé à Washington comme à Canossa au nom de la continuité du service public pour se faire dicter des orientations sans grand intérêt pour le Congo et les Congolais. Et ceux-ci se montrent particulièrement frileux quant au sort du nouveau code minier qui fait toujours l’objet de pressions occidentales (y compris américaines) pour une révision.

En effet, pendant plus de dix ans et à la faveur du code minier de 2002, les investisseurs occidentaux ont largement profité des ressources naturelles de la RDC au détriment des Congolais, et ce sous les regards indifférents de la Banque mondiale qui avait parrainé la négociation de ce code minier qui devait arriver à échéance en 2012. Cependant, les Congolais se souviennent des réticences de ces multinationales qui firent retarder cette négociation pendant au moins six années jusqu’en 2018 lorsque le parlement congolais adoptera en quasi-unanimité le nouveau format de la loi minière.

Bref, autant les Congolais se disent ouverts à la relance de la coopération avec les USA, autant ils estiment ne pas pouvoir accepter que cette coopération tourne en une sorte de diktat qui renverrait à une nouvelle recolonisation.

Jonas Eugène Kota

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